Cela ne vous a pas échappé : l’État annonce que, d’ici le mois de juin, l’ensemble de la population française recevra dans sa boîte aux lettres un manuel ou livret de « survie » pour réagir en cas de crise. L’intitulé du document est encore en discussion, mais, comme à son habitude, des termes absolument neutres – et souvent déresponsabilisants – seront employés. Les réactions suite à cette annonce sont variées : certains disent que le gouvernement joue sur la peur, d’autres estiment que cela annonce quelque chose de mauvais. Une minorité y voit un signe positif. Pour être franc, c’est mon cas.
Que contiendra ce manuel ? Concrètement…
Bien que ce manuel soit encore en cours de rédaction, ou de peaufinage, j’ai pu glaner ça et là quelques informations sur son contenu. Il devrait contenir une vingtaine de pages, et se composer en 3 parties.
La première partie qui serait intitulé « se protéger », entends « sensibiliser la population française à la notion de solidarité ». Cette première partie vise à « se protéger soi, mais aussi protéger les personnes autour : la famille, les voisins… ». Des conseils pratiques y sont formulés comme disposer des numéros de son entourage. Des banalités en sommes.
Sous forme de pictogrammes pour donner un côté un peu plus ludique, cette première partie du livret indique également « le kit de survie » à avoir chez soi en cas de grave crise. Ainsi, il est recommandé d’avoir au moins six litres d’eau en bouteille, de stocker une dizaine de boîtes de conserve, ou encore de disposer de piles et d’une lampe torche en cas de coupure d’électricité.
Côté pharmacie, il est préconisé d’avoir du paracétamol, des compresses, mais aussi un sérum physiologique dans sa salle de bain. « Il s’agit de dire aux Français : ‘Soyez prêt à faire face quelques jours en autonomie' ».

La deuxième partie intitulé » Que faire en cas d’alerte » devrait donner des infos générales sur la conduite à tenir en cas de menace imminente. Comme les confinements suite à un risque NRBC, un rappel des numéros d’urgences, certaines fréquences radio.
Enfin la dernière partie serait un appel à l’engagement citoyen, avec une invitation à rejoindre une réserve (police, armée, réserve communale etc.) ou un des dispositif de la sécurité civile (pompier, protection civile, association de sécurité civile etc.)
Il est clairement difficile de juger de la pertinence du contenu tant que nous n’avons pas le livret définitif entre les mains. Ma crainte, serait que – comme souvent – le discours soit tellement édulcoré, que l’impact positif de ce type de livret soit proche de zéro. Autre crainte, serait l’omission d’un élément extrêmement important, l’aspect psychologique et la santé mentale. Espérons que nos gouvernants s’inspire du modèle scandinave en la matière voir ici.
Enfin, le manuel n’oublie pas la santé mentale et la gestion du stress en cas de crise, quelle que soit sa nature. «Parlez de vos sentiments à votre famille, à vos amis, à vos voisins ou à un organisme de santé mentale. Cela peut vous aider à vous sentir moins seul», est-il précisé. Un passage est aussi adressé aux parents, et leur recommande d’être le plus honnête possible avec leur enfant. «Expliquez la situation à l’enfant, écoutez et invitez-le à une conversation», «évitez les détails inutiles», est-il écrit. Il les invite aussi à «planifier des activités avec l’enfant pour l’aider à se concentrer sur autre chose». (source Europe 1)

Un livret mal perçu ?
Il est clair, au regard des nombreuses réactions sur les réseaux sociaux, que ce soit de simples citoyens ou de certains responsables politiques, que la publication de ce livret est plutôt mal perçue par un grand nombre. Toutefois, ce n’est pas tant son contenu ou l’initiative en elle-même qui posent problème, mais plutôt le contexte dans lequel l’annonce a été faite.
Alors que notre pays est plus divisé que jamais sur le plan sociétal et politique, qu’il existe une défiance incroyable entre la population et l’État, que nous enchaînons crise sur crise avec, il faut le dire, une gestion plus que discutable, nos gouvernants agitent la menace russe. Une menace bien réelle, mais qui ne devrait pas être surestimée. C’est dans ce contexte que l’annonce a été faite. Elle résonne comme une préparation de la population à un conflit armé imminent avec la Russie.
Le lancement de ce projet de cette manière est une erreur marketing.
Pourtant, comme je l’expliquais dans un précédent article sur ce blog, ce genre d’initiative a de nombreux avantages. https://taranisblog.fr/2025/03/11/le-citoyen-francais-face-a-lincertitude-internationale-pourquoi-la-formation-et-la-resilience-sont-indispensables/
La fin du mythe de l’omniscience de l’état dans la sécurité civile.
Depuis des décennies, nous vivions sous l’ère de l’État-providence, totalement omniscient, prenant en charge notre sécurité et notre avenir… Du moins, c’est ce que l’on nous disait. L’État n’a jamais pris en compte certains paramètres essentiels dans la gestion des crises : le delta entre la survenance de l’événement et l’intervention des services appropriés. Bien sûr, tout a toujours été fait pour réduire ce delta, mais l’évidence montre que le citoyen est responsable de sa propre sécurité pendant ce laps de temps.
L’État a, pendant très longtemps, renié le principe de résilience citoyenne, le balayant d’un revers de main comme une idée extrémiste (voir les différents articles sur le survivalisme).
Aujourd’hui, les gouvernants évoluent dans le bon sens et prennent conscience des bénéfices d’une responsabilisation de tous les acteurs.
La résilience: de quoi parle-t-on ?
La définition de la résilience est la capacité d’une entité à surmonter de façon autonome un aléa, puis à retrouver un fonctionnement normal le plus rapidement et efficacement possible, tout en limitant son impact sur l’organisation.
Une meilleure résilience citoyenne permettrait en effet aux décideurs de se concentrer sur les causes d’une crise (naturelles, technologiques, sociétales, voire martiales…) plutôt que d’utiliser plus de ressources que nécessaire pour en traiter les conséquences (services de secours, système de santé, approvisionnement, etc.). Pour un pays développé, c’est un enjeu stratégique.
Le débat est ouvert quant aux mesures qui devraient être préconisées pour améliorer la résilience citoyenne, et ce sujet fera l’objet du tout prochain article (oui, il sera un peu long).
Expectatives
Attendons de voir le contenu de ce livret, et la communication qui l’accompagnera. Nous ne pouvons qu’espérer que le virage de la responsabilisation citoyenne soit pris, et que le gouvernement actuel ne restera pas tiède face à cette réalité. Affaire à suivre…
